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08/05/2024

Étude : Le Congé pour Vente dans le cadre d'une Succession

Je viens d’hériter d’un appartement ou d’une maison à la suite du décès d’un proche, mais déjà occupé. Est-il possible de donner congé aux locataires pour vendre ce bien ?

Retour sur les nouvelles précisions de la Cour d'appel de Paris 

CA Paris, 28 mars 2024 (RG n° 21/19069 Pôle 4 – Chambre 3)

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Comme il est habituel dans les rapports juridiques entre une partie dite économiquement faible et une autre partie dite économiquement forte, la loi vise à garantir la protection du faible face au fort. La relation entre locataire et bailleur ne déroge pas à cette règle, et la loi du 6 juillet 1989 accorde de très nombreux droits aux locataires en même temps qu’elle impose de nombreuses obligations aux bailleurs.

 

Il suffit pour cela de lire la notice d’information sur les droits et obligations du locataire que le bailleur doit joindre au contrat de bail pour s’en rendre compte.

 

Cette protection du locataire va donc jusqu’à remettre en cause le droit de propriété, pourtant conçu comme absolu en droit français.

 

Ainsi, bien que propriétaire, le bailleur n’est pas libre de céder comme il l’entend son bien, et doit respecter des conditions très strictes.


Pour rappel, il existe 3 types de congé que peut délivre le bailleur à l’issue du bail : pour motif légitime et sérieux, reprise, ou vente.

 

Dans le cas du congé pour vente, le principe est en apparence simple : le bailleur doit adresser par recommandé (avec accusé de réception) ou par commissaire de justice un préavis 6 mois avant la date de fin du bail indiquant l’objet de ce congé.

 

Mais les choses se compliquent, lorsque le bailleur a acquis le bien moins de 3 ans avant le terme du contrat de location et ce, depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 qui a introduit un article 15 I à la loi de 1989.

 

Que dit cet article ? 

 

 « lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ».

 

Les choses se compliquent mais elles se justifient : en effet, pour éviter les velléités spéculatives, la loi est venue restreindre les possibilités de revente de l’acquéreur d’un bien occupé par des locataires.

 

Concrètement, si une personne se porte acquéreur d’un appartement occupé par des locataires, celui-ci ne pourra pas délivrer un congé si les locataires occupent le bien depuis moins de 3 ans selon contrat de bail. Le nouveau bailleur devra donc en réalité attendre une première reconduction du bail pour pouvoir délivrer un congé qui sera effective uniquement à l’issue de cette reconduction.

 

Exemple : Le 1er janvier 2023, Paul achète un bien occupé depuis le 1er janvier 2021 selon contrat de bail de 3 ans. Il n’y a donc que deux ans écoulés entre ces deux dates, de sortent que le locataire, dont le bail prend fin au bout de 3 ans, soit le 1e janvier 2024, pourra en réalité rester jusqu’au 1er janvier 2027 : le nouveau bailleur ayant interdiction de délivrer dans ce cas de figure un congé pour vente avec effet le 1er janvier 2024.

 

On en revient donc à l’objet de cette étude : est ce que les mêmes restrictions s’appliquent lorsque le nouveau bailleur a acquis le bien par voie successorale ?

 

La jurisprudence était hésitante sur la question, puisqu’une première fois la Cour d’appel de Paris a indiqué que l’article 15 I précité ne s’appliquait pas aux biens acquis dans le cadre d’une succession (CA Paris, 12 mars 2019, n°16/17263), avant de revenir sur sa position (CA Paris, 6 octobre 2022, n°20/04688) en appliquant un régime identique, que le bien ait été acquis gratuitement ou à titre onéreux.

 

Et, une fois n’est pas coutume, au risque de tourner cosaque, la Cour a de nouveau rendu une décision conforme à ce qu’elle jugeait en 2019 en considérant, au visa de l’article 711 du Code civil :

 

C'est toutefois par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précité s'appliquent aux bailleurs ayant acquis à titre onéreux le bien occupé, et pas à ceux auxquels le bien a été transmis par voie successorale comme c'est le cas en l'espèce.

 

En effet, l'article 711 du code civil, qui dispose que 'la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations', permet de distinguer l'acquisition d'un bien à titre onéreux de la transmission d'un bien par voie successorale.

 

Cet arrêt du 28 mars 2024 rendu par la Cour d'appel de Paris (RG n° 21/19069 Pôle 4 – Chambre 3) vient ainsi différencier la situation de l’acquéreur d’un bien obtenu par voie successorale de celui ayant acquis en payant.

 

Cette décision se comprend dans la mesure où les velléités spéculatives dans le congé pour vente de l’héritier d’un bien sont moindres voire inexistantes, celui-ci n’ayant pas manifesté sa volonté d’acquérir le bien, mais l’a au contraire reçu en raison d’une ligne, qu’elle soit successorale ou d’encre dans un testament.

 

Cette interprétation est louable mais devra, pour éviter un énième rebond jurisprudentiel, être confirmée par la Cour de cassation.

 

D’ailleurs, cette volonté de rééquilibrer les droits entre bailleur et locataire n’est pas que l’apanage des tribunaux, mais aussi celle du législateur.

 

Ainsi, de la très discutée loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.

 

Cette nouvelle loi permet notamment de raccourcir le délai pour régler les causes d’un commandement de 2 mois à 6 semaines ou encore, de condamner à 7 500 euros d’amende le locataire qui refuse de quitter le logement passé 2 mois après une décision d’expulsion.

Cette étude touche à deux domaines juridiques, le droit des successions et le droit au logement, tous deux pratiqués par mon cabinet.

 

Je vous invite à me contacter si vous êtes concernés par une situation identique, équivalente, ou pour toute question concernant le droit des successions, droit au logement ou droit de propriété.

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